Association Méridienne Atelier La lanterne de timonerie. Histoire du feu à bord aux XVe et XVIe siècles
Histoire du feu à bord aux XVe et XVIe siècles
La lumière
La lanterne de timonerie
La lanterne de timonerie de Méridienne est librement inspirée de deux pièces de mobilier en frêne découvertes en Bretagne dans l'épave désignée Aber Wrac'h 1 par le Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (DRASSM).
Ces deux pièces sont décrites comme pouvant être le couvercle et la base d'une lanterne. Elles sont les plus anciennes traces d'un éclairage utilisé à bord d'un navire. La lanterne de l'Aber Wrac'h 1 est antérieure à celles dont étaient équipées les navires des découvertes.
Les lanternes des 15e, 16e et 17e siècles étaient aussi bien fabriquées en bois qu'en métal. L'usage en était le même.
La lanterne de l'Aber Wrac'h 1
Photo : ADRAMAR atlasponant.fr
Épave de l'Aber Wrac'h 1
Chronologie : Moyen-Âge
Historique : cette épave date probablement du XVe siècle
Construction : chantiers d'Aquitaine ou du pays basque
D'après le Memoria de la reconstrucción de la Nao Santa-María (1892) il n'y avait
pas la nuit, en dehors du fanal de poupe, d'autre lumière dans les navires que celle que
les mousses apportaient à la fin du jour dans l'habitacle du timonier pour qu'il puisse
voir l'aiguille de la boussole et suivre le cap indiqué par le pilote.
Les mousses entraient avec le sablier et au moment d'allumer la lanterne, ils chantaient
La garde est prise
Le sablier moud
Nous ferons bon voyage
Si Dieu le veut.
Le fanal de poupe
Le fanal de poupe était l'insigne du commandement. Seuls les chefs d'escadre pouvaient l'utiliser et l'allumer. La bougie de cire qui l'éclairait était protégée par des lames de talc ensuite remplacées par des plaques de verre.
Dans son roman L'arbre de nuit François Bellec décrit une traversée entre Lisbonne et Goa à bord d'une caraque portugaise en 1608. Dans ce passage, il évoque l'emploi de la lumière à bord.
p. 182
Seul brûlait le feu de garde, une braise contenue jour et nuit comme une salamandre dans un gros fanal cadenassé, suspendu à hauteur d'homme au mât de misaine, entretenu par un factionnaire et gardé par un soldat. On avait allumé comme chaque soir selon un rituel immuable le lumignon du compas surveillé par un mousse et les deux fanaux de poupe conformes aux instructions remises aux capitaines, eux aussi gardés à l'œil toute la nuit. Ces trois lueurs tremblotantes étaient les seules lumières du navire, qui glissait chaque soir dans la pénombre sous la lune ou la clarté stellaire quand le ciel n'était pas trop nuageux. En ce temps des feux follets et des vers luisants, les hommes voyaient la nuit aussi bien que les chats.
François Bellec.
L'Arbre de nuit
Éditions Jean-Claude Lattès. Paris. 2012.
La cuisson des aliments
D'après le Memoria de la reconstrucción de la Nao Santa-María il est probable que les
caravelles dans leur voyage de découverte étaient équipées de fourneaux semblables aux
anafres d'Andalousie, constitués d'un corps en briques de forme cubique avec des arêtes en
en fer et des grilles.
Pour éviter l'incendie une couche de terre était répandue sur les braises après utilisation.
Cette pratique, qui a duré longtemps, est à l'origine en Espagne d'une tradition et d'une légende :
Dans la marine de guerre espagnole, quand un marin inexpérimenté criait "Terre !" on lui répondait d'en bas "Celle du fourneau !"
Vers le milieu du XVe siècle, une nef portugaise ayant atteint l'île
légendaire de Siete Ciudades
y atterrit pour prendre de la terre pour le fourneau. De cette terre répandue sur les braises
s'écoulèrent des gouttes d'or.
Cette légende aurait amplifié le mouvement de découverte.
Dans ce passage de L'arbre de nuit François Bellec décrit la manière de cuire les aliments à bord d'une caraque portugaise du début du XVIIe siècle.
p. 143
La nourriture était cuite à la diligence de chacun à l'entrepont, sur deux grands fourneaux
placés de part et d'autre du grand mât, l'un pour les gens de mer, le second pour les autres.
Ces fogoes consistaient en des bassins de fer reposant sur une sole en briques. Ils contenaient
des braises alimentées par du bois de chauffage. Gardés chacun par deux soldats, ils seraient
allumés chaque jour sur le coup de huit heures par le sergent, maître absolu du feu qu'il
transportait dans un falot de fer blanc percé de quelques trous pour laisser passer l'air
comburant. Deux grumètes renouvelaient le bois et tisonnaient les braises juste assez pour
qu'elles rougeoient sans flammes, sous le regard attentif d'un caporal dont l'unique fonction
était de surveiller les feux. Il était adjoint pour cela au sergent qui reviendrait à quatre heures
de l'après-midi les éteindre soigneusement et noyer les braises que les grumètes jetteraient
aussitôt à la mer sous le contrôle de soldats. Le feu était une terreur à bord, surtout lors des
voyages de retour car les cargaisons étaient alors éminemment combustibles. Les clous de
girofle étaient disait-on de la véritable poudre à canon.
À bord de ce navire sans cuisiniers, on pourrait compter pendant les huit heures d'ouverture
des fogoes jusqu'à quatre-vingts pots de cuivre, de fonte ou de terre mijotant à la fois sur les
fourneaux.
François Bellec.
L'Arbre de nuit
Éditions Jean-Claude Lattès. Paris. 2012.