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Historique de l'astrolabe portugais

Le service du Patrimoine de la Bibliothèque municipale de Nantes (BMN) possède dans ses fonds le manuscrit anonyme d'un traité de navigation daté de 1705 qui présente, aux côtés de l'arbalète, de l'astrolabe nautique et du quartier anglais, un instrument de hauteur dénommé astrolabe portugais par le rédacteur inconnu de l'ouvrage.

extrait du traité de navigation

Figure de l'astrolabe portugais
Traité de la navigation
Anonyme (1705)
BMN


Les premières descriptions de cet instrument ont été faites dans deux ouvrages édités à Lisbonne par Pedro Craesbeeck1 dans la période dite de l'Union ibérique2 (1580-1640).

En 1606 le cosmographe portugais Simão d'Oliveira propose un traité de navigation intitulé Arte de navegar3 dans lequel il consacre un chapitre aux instruments de navigation, pour lesquels il donne des indications de construction et d'utilisation.
Il présente sur trois pages un quadrante náutico, parfaitement semblable à l'astrolabe portugais du manuscrit anonyme.

En 1628 Antonio de Nájera, mathématicien portugais, publie un ouvrage intitulé Navegación especulativa y práctica… rédigé en castillan dans lequel il consacre un chapitre au quadrante náutico.

1van Craesbeeck, Peeter (vers 1552 – 1632), né à Louvain (Flandres). Ayant fui les querelles religieuses des Provinces-Unies il s'était installé au Portugal. Imprimeur et typographe, iI fonde en 1590 à Lisbonne la maison d'édition Pedro Craesbeeck, qui pendant plus d'un siècle a joué un rôle important dans l'édition portugaise.

2L'Union ibérique est le nom donné à la période pendant laquelle, de 1580 à 1640, la monarchie espagnole des Habsbourg impose sa domination au royaume du Portugal.
Entraîné dans les guerres espagnoles contre l'Angleterre et les Provinces-Unies, le Portugal perd en moins de cinquante ans la plupart de ses possessions en Asie (Inde, Moluques, Ceylan, …).

3Cet ouvrage est dédié par son auteur à Dom Pedro de Castilho, évêque de Leiria, inquisiteur général et vice-roi du Portugal sous le règne de Philippe III d'Espagne (Philippe II du Portugal).

Au-delà de son action politique et inquisitoriale au service de la monarchie espagnole et de l'Église, l'activité de vice-roi de Pedro de Castilho a été marquée par son intérêt pour les questions navales et d'outre-mer.
Alors que les conditions politiques et militaires rendaient difficile le maintien de la route maritime vers Goa et l'Asie Pedro de Castilho, en relançant la science nautique portugaise et en développant l'enseignement maritime, a permis que les connaissances des gens de mer qui pratiquaient la difficile Carreira da India ne s'effacent pas.


De la construction du quadrant nautique
Extrait de Arte de navegar, composé par Simão d'Oliveira
Édité par Pedro Craesbeeck, Lisbonne, 1606.

Biblioteca Nacional de Portugal (biblioteca Nacional digital)
Adaptation en français : Méridienne

extrait du traité de navigation
extrait du traité de navigation
extrait du traité de navigation

De la construction du quadrant nautique.

On trace sur le papier un quadrant ABC, de la grandeur qu’on veut donner à l'instrument, par la méthode habituelle, & dans la figure placée ci-après on voit, le long de la circonférence duquel par le côté intérieur on décrit deux quarts de cercle, qui avec le premier quart feront deux intervalles plus étroits l'un que l'autre. Les quarts de cercle sont divisés en 90 parties de la manière déjà enseignée. Dans le premier ils sont tracés de 1 en 1, & dans le second de 5 en 5 & de 10 en 10. De chacun de ces points vers le centre du quadrant, qui est le point A, en les joignant à la règle on tirera de petites lignes, de la manière que nous avons dit dans les chapitres précédents, en marquant les nombres par 10 en 10 en partant du point C & aboutissant à B.
On fera passer ce dessin & cette division sur une plaque de métal coulée en forme de quadrant, en l'ouvrant dans les parties où il n'y a pas de gradations, afin que le vent puisse passer à travers & ne pas gêner les observations.
Après cela, on coulera une dioptre1 d'une longueur égale à la moitié du demi-diamètre du quadrant & de la largeur que vous voudrez, sur laquelle on tracera la ligne et le petit cercle dont nous avons parlés sur l'astrolabe & sur lequel on placera de même deux pinnules équidistantes. À cette dioptre sera attaché ou soudé ou fusionné un indicateur du même laiton de la taille du demi-diamètre du quadrant de sorte que l'angle que font la dioptre & l’indicateur soit invariable & de la moitié d'un angle droit & formant ainsi un arc de 45 degrés. L’alidade sera percée à l’endroit où l’axe de la dioptre et le bord extérieur de l’indicateur se rejoignent et fixée sur le quadrant en son centre A qui a été percé. On mettra une clé ou une vis dans le trou pour que l’alidade soit serrée. Dans le centre A du cadran, on mettra un anneau comme celui de l'astrolabe & de l'armillaire, ce qui est tout vu dans ces figures.
Mais cet instrument servira aussi à prendre la hauteur des étoiles & pour cela il faut d'autres pinnules et faire une autre alidade sur laquelle sont placées les susdites pinnules & avant de prendre la hauteur des étoiles, on enlèvera l'autre alidade & on placera celui-ci, ce qui est facile à faire parce que cet instrument est fixé par une vis ou une clé.
Les deux pinnules sont faites de la manière & largeur ordinaire, mais d’une longueur doublée & ayant dans la moitié inférieure le trou du soleil. Dans la partie supérieure de chacune un quadrilatère est découpé, le plus grand possible, en son milieu il est traversé d’un fil fin & au milieu duquel on place une très petite perle noire, comme il est montré dans l'image.

1Dans le sens d'instrument de mesure qu'il a ici, le mot dioptre est féminin.


De la construction, et de l'utilisation du quadrant nautique
Extrait de Navegación especulativa y práctica… composé par Antonio de Najera.
Édité par Pedro Craesbeeck, Lisbonne, 1628

Internet Archive
Adaptation en français : Méridienne

extrait du traité de navigation
extrait du traité de navigation
extrait du traité de navigation

De la construction, et de l'utilisation du quadrant nautique.

Couler un quadrant en métal de même dimension qu'un astrolabe nautique, et d'un poids suffisant pour contrebalancer le mouvement du bateau, ouvert dans les parties où il n'y a pas de graduation, laquelle comme sur la présente figure ABC fait à la circonférence du quadrant, trois intervalles. Le premier, le plus extérieur est divisé en 90 parties égales que montrent les intervalles, blancs et noirs, et ces parties sont les degrés ; le deuxième est divisé en 18 parties égales dont chacune vaut 5 degrés ; le troisième est divisé en 9 parties, et chacune vaut 10 degrés, commençant la graduation au point C qui représente le zénith, et se termine au point 90° au point B, qui montre l'horizon, de la même manière que sont gradués les astrolabes, que les portugais utilisent dans leurs navigations, comme les plus adaptés aux règles, tant du Soleil que des étoiles qui toutes se font avec le nombre de degrés mesurés à partir du zénith.

Couler aussi une dioptre longue de la moitié du demi-diamètre du quadrant AB, semblable à celle de l'astrolabe ; et pour observer les étoiles les pinnules qui y seront soudées, auront une ouverture carrée la mieux faite possible, et traversée en son milieu d'un fil de fer fin sur lequel sera enfilée une perle noire immobile. À cette dioptre sera soudé un indicateur du même laiton, de la longueur du demi-diamètre AB, de façon que l'angle qu'il fera avec la dioptre sera la moitié d'un angle droit, c’est-à-dire 45° qui sera toujours invariable, et de même dimension. L'indicateur et la dioptre ainsi soudés seront fixés sur le quadrant, de sorte que le point D où ils se rejoignent tombera exactement sur le point A du quadrant et ils seront fixés par une cheville ou une vis de façon à tourner librement autour de son axe et du point A. En dernier sera fixé au point A un anneau comme sur l'astrolabe, pour le prendre à la main pour mesurer la hauteur de l'étoile.

Ce quadrant représente la hauteur des étoiles à sa verticale, et sa partie graduée est semblable au quadrant gradué qui est en la partie supérieure de l'astrolabe, à main droite. Le point A, représente le centre du monde. Le côté AB montre l'horizon. Et l'autre côté AC, montre l'axe1 de l'horizon, d'où le point C montre le zénith. L'indicateur est une ligne joignant du centre du monde à l'étoile.

Pour prendre la hauteur de l'étoile sur l'horizon avec ce quadrant il faut prendre l'anneau par le pouce de la main gauche, avec le visage tourné vers l'étoile en levant la main de façon à mouvoir la dioptre avec la main droite jusqu'à apercevoir dans les ouvertures des pinnules l'étoile dont nous voulons prendre la hauteur ; nous la mènerons sous les perles qui sont au milieu des ouvertures. Ceci en fermant un œil. Ceci étant ainsi disposé sans bouger la dioptre, l'indicateur nous montrera les degrés de graduation séparant l'étoile du zénith, en comptant de C vers B, qui est la valeur avec laquelle s'appliquent les quatre règles précédentes ; et ce qu'il faut ajouter de cette distance de l'étoile au zénith à 90°, sera la hauteur de l'étoile au-dessus de l'horizon. Et cela suffit pour mettre fin à cette première partie concernant les hauteurs et l'utilisation de l'astrolabe.

1C'est à dire la verticale